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30 novembre 2011 3 30 /11 /novembre /2011 09:21

Si, si, vous lisez bien... Marre de payer pour les banquiers qui plantent leur bizness, et qu'il faut sauver parce que l'argent avec lequel ils ont joué, c'était celui des épargnants. Marre des patrons de multinationales qui paient moins d'impôts que leurs ouvriers, que leurs employés qu'ils prennent tout au plus pour des "variables d'ajustement". Marre des spéculateurs de tous crins, et surtout, surtout, les retraités de Hedge funds, les nouveaux riches cantonnais, les jeunes traders dont les dents acérées font rien qu'abîmer des parquets qui ne leur ont rien fait. Ceux qui spéculent sur les matières premières agricoles en s'en foutant des famines que ça entraîne, et sur les dettes des États qu'on note comme des andouillettes.

 

Pas de doute pour moi, les assistés, c'est eux! Et qui mettent joyeusement tous les autres dans la merde, en n'en ayant rien mais rien du tout à caler. Sauf si, bien entendu, les État se mettent dans la tête de vouloir aider les "variables d'ajustement". Elle n'a rien à exiger, la variable, elle ferme sa gueule, la variable, elle vend la force de travail de ses bras, de son cerveau, des deux à la fois. Et elle dit merci, sinon, y'en a 20.000 qui attendent sa place dehors. Et elle se prend un crédit à la consommation, sinon, ce sera de sa faute si d'autres variables d'ajustement se font virer.

 

Quoi, moi, gauchiste? Noooon? Et plutôt deux fois qu'une. Et je me refuse à rouler pépère sur les autoroutes de la non-pensance. Non, les allocataires sociaux ne sont pas globalement des pourris. Certes, des petits malins profitent du système. Comme souvent. D'autres aussi ne font que reproduire ce qu'ils ont toujours connu. Mais est-ce une raison pour condamner à la grosse louche l'ensemble des personnes qui peinent à trouver un job? Comment fait-on rentrer 200.000 chômeurs dans 40.000 offres d'emploi? Vous m'expliquez?

 

La crise économique, on est dedans depuis 30 ans, et là, ça s'aggrave de chez grave. Un système financier parti en roue libre. La machine est folle et risque à tout moment d'exploser. Et sur qui fait-on reposer les responsabilités? Sur ceux qui sont déjà broyés par les rouages de la machine. L'humain n'a plus pour toute valeur que celle de l'argent qu'il rapporte. S'il coûte, on l'évacue. Optique purement utilitariste. Donc, dans les mois qui viennent, pour rassurer "les marchés", on va virer du chômeur en veux-tu, en voilà. Mais comme le holding communal est planté, comme les finances des communes seront plus bas que terre, voulez-vous bien me dire ce qu'on va en faire? Les CPAS vont être débordés, des choix douloureux devront être faits. Encore heureux que la réforme des aides aux banques alimentaires n'est finalement pas passée, sinon ça aurait douillé sec pour les obsèques des indigents, dites-moi. Oui, c'est de mauvais goût, mais nondedjeu, j'ai les nerfs en pelote.

 

En 2005, Matthias Lievens expliquait dans son livre "30 ans d'austérité, ils nous ont trompés" que le montant du déficit de la sécurité sociale équivalait aux sommes non-perçues suite aux avantages fiscaux accordés aux multinationales via le système des centres de coordination, système depuis supprimé, et remplacé par celui des intérêts notionnels. Aujourd'hui, l'argent que l'état doit économiser, rogner de tous côtés, après avoir sauvé le système bancaire... Bon, ça paraît simple, vu comme ça, évidemment que c'est plus compliqué et qu'il n'était pas question de planter l'épargne de tout le monde à cause des erreurs de gestion de quelques uns. Et je n'ai pas de solutions toutes faites. Par contre, j'ai un gros ras-le-bol de voir à intervalles réguliers les conneries des 1% qui planent réparées par les 99% qui grattent. La privatisation des bénéfices et la collectivisation des pertes. Et je rêve tout haut, de voir les 99% s'allier pour résister à ça, au lieu de se foutre mutuellement des bâtons dans les roues, en arguant que c'est forcément la faute de celui de l'échelon d'en-dessous,  du plus faible, de celui qui vient d'ailleurs, des bonnes femmes qui ont voulu travailler, des profs qui ne font pas leur boulot, des fonctionnaires qui ne foutent rien, des chauffeurs de bus qui sont toujours en grève et des syndicats qui n'ont que ça à faire. Pendant qu'on se bouffe entre nous, ça se marre dans les bureaux de trading.

 

Pendant qu'on se bouffe entre nous, la stratégie du choc (cf. Naomi Klein) se met en place. Elle est déjà en place. A force de trouille pour le lendemain, trouille ô combien justifiée, on va avaler n'importe quoi, pour sauver ses tartines. La leçon bien apprise, on marchera sur le cadavre du voisin. Sans morale, sans éthique, en persiflant sur les naïfs qui parlent justice et équité.

 

Virginie Godet, qui refuse de manger des couleuvres.

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23 novembre 2011 3 23 /11 /novembre /2011 10:24

Je vous préviens, aujourd'hui, je me fous à poil. Détournez les yeux, si vous ne voulez pas voir ça.

 

J'écris trop élitiste. J'écris pour qu'on ne me comprenne pas. Faut croire qu'on m'a tapé sur la tête avec le Robert quand j'étais petite... Si c'était aussi simple que ça. Non, les gens, je ne vous méprise pas. Ce n'est pas vrai, c'est très loin d'être vrai. Je sens que je vais me justifier, alors que je m'étais promis de ne plus jamais le faire. Disons que je ne me justifie pas, mais que j'explique.

 

Donc, si vous me lisez depuis quelques temps, vous savez que j'ai grandi dans une toute petite ville.Même dans un hameau rattaché à cette petite ville. Pas le trou du cul du monde... Le coccyx, oui. Et il n'y avait rien à faire, rien de rien. Sauf le patro du dimanche, et le cours de danse du mardi. Alors, dés que j'ai su, j'ai lu. Et j'ai préféré Walter Scott à la Comtesse de Ségur. Et puis des biographies, plein. Ma meilleure copine avait du mal à apprendre à lire, mais envie de connaître des choses, alors j'ai lu, tout haut, pour elle.

 

Et comme je lisais des choses qui m'intéressaient, qui me passionnaient, j'ai eu envie de partager, d'en parler autour de moi, à mes camarades de classes. Mais ça ne les intéressait pas, et même, ils trouvaient ça bizarre. Alors, je me suis retouvée presque toute seule. Et j'ai lu, pour moi, et pour Isa.

 

Les vacances, pareil, c'était morne plaine, sauf quand on partait, c'est à dire pas souvent. Les 10 jours de camp patro, chaque fois un moment de joie. Les escapades dans les Vosges, des crises de boulimie de visites, un plaisir. Mais quand il s'agissait de végéter 15  jours à la côte, misèèèère. Alors je lisais, planquée sous le parasol pour sauvegarder ma peau de rousse des séances d'épluchage, regardant en soupirant et à la dérobée les garçons qui tournaient autour de ma frangine, grande et blonde, qui grillait sur le sable, et se retournait à intervalle régulier. A la fin de la journée, l'Anne était bien cuite. Et j'avais bouffé Le Seigneur des Anneaux.

 

Arrivée à l'adolescence, les choses ont encore empiré. A force de lire, je m'étais isolée. Et le gens de mon âge, je ne les comprenais pas bien. A part la bande de freaks avec lesquels je traînais. On était bizarres, voyez-vous. Je sais, on dirait un synopsis de feuilletons américains, ceux où les losers ont des lunettes et sont mal fringués, et prennent des tartes de la part des copains de cheerleaders. A l'athénée, il n'y avait pas de cheerleaders, mais c'est sans doute la seule différence. Participer à l'antenne-école d'Amnesty, à l'équipe de Génies en Herbe ou à la troupe de théâtre ne changeant rien. Alors j'ai continué à lire, et j'ai commencé à écrire. Sur le mur de la classe de français trônait cette citation de Jules Renard (je crois): "Écrire, c'est parler sans être interrompu". Parfois, je me dis que c'est ça qui m'a maintenue en vie. Mais c'était un cercle vicieux, je lisais parce que je me sentais seule, j'étais isolée parce que je lisais "trop".

 

Le passage à l'université a été une délivrance. Fac de lettres, le pied. Pour réussir, il fallait lire. Alors j'ai lu. J'ai découvert les jeux de rôles, les univers médiévaux fantastiques. Passant de simple joueuse à maîtresse de jeu, il y avait des tas de règles à apprendre. Alors j'ai lu. Et puis je suis tombée malade, rien de grave, mais rien de bénin non plus. Des tas d'examens à passer, des heures de salles d'attente en salles d'attente. Alors, j'ai lu.

 

Je suis mariée, un enfant et demi, ma soeur se suicide. Elle nous quitte  en ne laissant pour tout motif que : "Ce monde est trop moche". Mais si le monde est moche, pourquoi ne pas chercher à le changer? Et pour le changer, il faut le comprendre. Et comment le comprendre? Ben, j'ai lu. Pour démonter le système, voir comment il fonctionnait. De mots en mots, de phrases en phrases, de livres en livres, je me suis nourrie, gavée. Et ces mots restaient gravés, au point que parfois, j'en oublie que ces mots ne sont pas forcément partagés.

 

Paradoxalement, plus je m'ouvre au monde, plus je m'isole. Et je me prive d'une possibilité d'échange. Parce que je dois me sentir coupable, puisque c'est moi qui ne suis pas normale, parce que c'est moi qui ne fais pas d'efforts. Eh bien, bonne gens, désolée, mais les concessions et les efforts, j'en ai plein le cul. Les concessions et les efforts, ils ont failli me tuer. Peut-être qu'à ce stade, certains se disent que c'est dommage qu'ils n'y soient pas arrivés. Mais voilà, je suis là, et j'ai des choses à dire, des choses à faire. Des envies et des avis à partager.

 

Si, parfois, j'utilise des mots difficiles, parait-il, ce n'est pas pour en foutre plein la vue, c'est justement parce que je ne vous prends pas pour des cons. Parce que je considère que les mots sont là, qu'ils sont à tout le monde, qu'ils n'appartiennent pas plus à une classe, à une caste, qu'à une autre. Qu'ils nous est possible, à chacun, chacune, de se les approprier, de les prendre à-bras-le-corps, de les plier à sa volonté. Que les mots disent les choses avec d'autant plus de netteté que chacun est à sa place, utilisé au bon endroit, au bon moment, dans une phrase, dans un texte. Chacun a son poids. Les mots ne sont à personne, les mots sont à tout le monde. Faites-les vôtres, bordel à queue!

 

Virginie Godet, pétasse élitiste.

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16 novembre 2011 3 16 /11 /novembre /2011 09:56

Pire, ma mère achète au Télé-achat. Comble de l'horreur: elle n'est pas la seule.

 

La maison de mes parents déborde de produits achetés sur un coup de tête, prenant la poussière avec autant de calme assurance que le moche vase offert par tante Germaine pour leur mariage, et qui a miraculeusement échappé aux ballons, duels au sabre laser et autres boums. Ce vase est maudit: il refuse de se casser. Les produits du télé-achat, c'est pareil: une fois que tu les reçois, tu te rends compte qu'ils ne servent à rien, et puis tu oublies de les renvoyer à qui de droit. Les voilà devenus piste de danse pour tous les acariens, toutes les acariennes.

 

Je trouve le comportement de l'auteure de mes jours assez symptomatique du monde dans lequel nous vivons. De ce que Marx appelait le fétichisme de l'objet, de ce que Goldman a chanté dans "Les Choses". Et ça me pose vraiment question, parce que c'est quand même une femme instruite, qui vient d'un milieu bourgeois, éduqué (sinon, elle ne m'aurait pas, consciemment, donné le prénom d'une cruche littéraire qui meurt noyée de ne pas vouloir enlever sa robe, mais c'est une autre histoire). Donc, intellectuellement, elle est armée pour voir les messages qui sont envoyés par ces émissions. Je veux dire, moi aussi, j'adore regarder ce genre de programmes, surtout les américains mal doublés, tellement c'est drôle à force d'être nul et lourd... Si je suis capable de le remarquer, en théorie, elle aussi. C'est ma mère, quoi, merde!

 

Eh ben non. Elle tombe dans le panneau de la promesse d'une vie rêvée, d'une image lisse, d'une maison parfaite, le tout sans autre effort que de donner le code de sa carte de crédit. Donc déjà pour la maison parfaite de la parfaite femme au foyer, plus ou moins désespérée, c'est déjà foutu, étant donné le brol causé par l'exposition des collections permanentes du musée du téléshopping. Entre la rôtissoire pour cuire sans graisse (j'ai essayé avec mon bête four de ma cuisine, ça marche aussi), les extracteurs de jus, le machin qui fait des smoothies (dont je ne vois pas la différence avec le magic-chose d'il y a 5 ans, à part le design), les appareils de gym, destinés à faire maigrir mon père et mon frère cadet, bâtis comme des armoires normandes, mais qui ne sont utilisables que par des personnes pesant moins de 100 kilos (c'est ballot), et les montagnes de pots de crème à la bave d'escargot (elle est encore trop jeune pour le pseudo-botox au venin de serpent), plus moyen de poser quoi que ce soit.

 

Mais que cherche-t-elle à remplir, en achetant toutes ces choses? Que cherche-t-elle, et que cherchent-elles? Parce qu'elle est loin d'être la seule. Et que je serais curieuse de voir une audimétrie de ces programmes, analysée sous l'angle du genre. Une répartition par sexe des spectateurs, une répartition des produits en fonction des rôles genrés, voire même une grille horaire... Je vous fiche mon billet, c'est tellement évident, que les produits visant un public féminin sont présentés en semaine, à une heure où se retrouvent devant la télévision une majorité de chômeuses et de femmes au foyer... Tiens donc... Remplir le vide de sa vie par des objets, parce que ce que l'on a, c'est ce que l'on est.

 

Remarquez que ce n'est pas nouveau, ce genre de comportement et d'achat compulsifs basés, aussi, sur le regard des autres. Acheter du nouveau pour montrer que malgré tout, on a un peu les moyens. C'est aussi le principe des ventes par démonstrations. Comme on est invitée par une amie, on achète des produits de maquillage, des boîtes hermétiques ou un petit canard vibrant, histoire de ne pas passer pour une fauchée, sous le noble prétexte de lui permettre de gagner un cadeau. La mère d'un très vieil ami (coucou, Lau!!!) possède ainsi la collection complète de tous les ustensiles Tupperware depuis les années '70, ce qui en fait une personne-ressource essentielle pour tout qui souhaite étudier l'évolution du design des susdites boîtes sur les 40 dernières années. Un musée n'aurait pas été ouvert, il me semble, à Bruxelles, elle aurait pu en avoir l'initiative. Un atout incroyable pour le tourisme dans la petit ville dont nous sommes originaires. Caramba, encore raté!

 

Enfin, le pire, c'est que je me paie leur fiole, mais dans le fond, je ne vaux pas mieux. En version bobo-bio, mais pas mieux. En consommatrice invétérée de bien culturels, livres et cd's, et par conséquent, d'étagères suédoises. En fashionista accro aux fringues de seconde main et pompes de second pied (l'affaire du siècle, ma chérie, je-te-dis-pas). Et surtout, surtout, en spécialiste de l'utilisation des anti-rides par suggestion. Une fois le pot sur l'armoire de la salle de bain, je le regarde intensément, chaque matin. La même zone du cerveau est activée lorsqu'on fait une action, ou lorsqu'on pense à cette action. Ni vu, ni connu, je t'embrouille. Mes cellules vont se régénérer, c'est garanti sur pièces. Le mois prochain, j'essaie avec ma colo.

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9 novembre 2011 3 09 /11 /novembre /2011 14:00

J'ai bêtement réalisé, comme ça, d'un coup, devant la débauche d'annonces de documentaires à vocation culturelle et commémorative, que la guerre de 14-18, c'était il n'y a pas 100 ans.

 

Comprenons-nous bien: je sais compter, et en plus, j'ai étudié l'histoire. Les dates, je les connais. Mais 100 ans, quand on y pense, c'est terriblement court. Si, si, vous lisez bien: court.

 

Alors qu'un GSM est nase au bout de deux ans, qu'une fringue est dépassée à la fin d'une saison, qu'on vit dans une société de l'immédiateté, ça fait du bien de se rendre compte de ça. Et ça remet les idées en place. Tout est question d'échelle.

 

Quand je me mets à flipper sur la montée de l'extrême-droite en Europe, et qu'on me répond: "Mais enfin, c'est de l'histoire ancienne, des trucs vieux de 60 ans", je me dis qu'entre cette personne et moi, il y a une différence d'échelle, de perception. 60 ans, c'est vieux, 60 ans, c'était hier. C'est un grain de poussière dans l'histoire des idées. C'est assez long pour qu'on oublie, et assez court pour un retour de flamme.

 

Or, tout ce problème, ce retour de la vague, trouve son origine dans des concepts, des événements, qui se sont passés dans un laps de temps très court. Court en regard de l'histoire. La naissance du concept de nation, la montée des nationalismes, deux chocs meurtriers en 50 ans puis la naissance d'une nouvelle idée, celle de l'appartenance à une communauté-monde. Pourquoi ne rentre-t-elle pas mieux dans les esprits, celle-là? Parce qu'elle est trop fraîche, et parce que le concept de nation, des nationalités, des identités meurtrières, au bout du compte, n'a pas eu le temps de passer. Et les deux idées s'affrontent. Et celle qui est appelée à , sans doute, disparaître, se débat. Parce que l'ouverture au monde, à l'autre, est un grand saut dans le vide, et qu'il faut du temps pour apprivoiser sa peur.

 

Ce que je crains, vraiment, c'est que cette bataille qui est bataille d'idées, ne dégénère. Parce que les identités meurtrières auraient eu un dernier sursaut violent. Un baroud d'horreur de tout ce qu'il y a de plus laid en l'humain. Pas ces petites haines larvées qui déjà me désespèrent. Un déchaînement. De ces déchaînements que nous avons eu assez de temps pour oublier. Mais pas assez pour que leurs braises soient éteintes.

 

 

Virginie Godet (monomaniaque).

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3 novembre 2011 4 03 /11 /novembre /2011 20:39

Oui, rire. Rire de tout, pour ne pas avoir à en pleurer. Rire pour exorciser l'angoisse. Rire de ce qui fait peur. Provoquer la réflexion dans un grand rire bien caustique. Même faire dans le gras, le lourd, tant pis, ça soulage. Même dans le bête et méchant.

 

C'est sain. C'est bon pour la santé. C'est bon pour l'intellect. Même pour la démocratie, oui, oui...

 

Donc, on ne peut plus. Sinon, c'est la cocktail molotov, et les grands cris d'indignation, et les insultes. Finie la subversion qui vous secoue les neurones. C'est maaaaaaal. Fini le second degré, c'est dangereux. Finie l'ironie, c'est du mépris.

 

Mais, bordel à queues de nondedjeu de bouse! Permettez-moi de citer un grand poète français de la fin du 20ème siècle: "Laissez-nous respirer!". (Oui,euh, le grand pWette, c'est Florent Pagny).

 

Et si le rire vous éloigne du paradis... Ben tant mieux, vu le nombre ahurissant de tristes sires qui sont persuadés d'y finir leur éternité. Mes cendres de caustique mécréante fertiliseront un hortensia (notez, j'insiste: HOR-TEN-SIA), au moins, elles serviront à quelque chose. Ses fleurs , roses ou bleues, puis vertes teintées de rouge incarnat, mettront un peu de beauté sur la triste terre que nous bricolent les culs-serrés de toutes obédiences.

 

A quoi ça sert d'être sur la terre si c'est pour faire nos vies à genoux? (Y'a pas à dire, j'ai des putains de références).

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26 octobre 2011 3 26 /10 /octobre /2011 20:18

Cassandre était princesse de Troie. Appollon lui avait donné le don de prophétie, mais comme elle ne s'était pas montrée très reconnaissante (si vous voyez ce que je veux dire), il l'avait également frappée d'une malédiction: personne ne la croirait. Elle est devenue, par la suite, un symbole de la lucidité qui se heurte à l'ignorance. D'autant que la tradition lui donne une fâcheuse tendance à voir surtout arriver les catatrophes. D'où la propension de ses contemporains à ne pas vouloir la croire.

 

Pourquoi je vous raconte ça? Eh bien parce que je finis par la comprendre, cette pauvre Cassandre. Ce n'est pas la première fois que je narre mes descentes dans les modernes cafés du commerce que sont les fils de discussion des média populaires sur les réseaux sociaux. Ma baffe quotidienne. Une salutaire confrontation avec la réalité. La rencontre avec les lecteurs d'une presse de plus en plus populiste, de plus en plus à droite de la droite, de plus en plus... Beuaaaaark. Bienvenue dans le caniveau 2.0.

 

Alors je me répète, je me répète, je me répète... Tout ce que je vois là, je n'aime pas ça (lisez-le avec l'accent de Monsieur Beulemans). Tant les commentaires haineux des lecteurs que la façon dont sont présentés, rédigés les articles. Souvent on touche le fond, sans en apporter. Souvent on creuse, rarement le sujet. De quoi désillusionner grave sur le quatrième pouvoir, censé informer, donner des éléments nécessaires à alimenter une réflexion. Pas vous fournir en bloc, à la grosse louche, des tas de raisons de vous replier chez vous, la carabine à portée de main, histoire de flinguer le voisin, surtout s'il est chômeur, migrant, sans papiers, jeune, ou tout à la fois. J'ai la cervelle et la plume qui bégaient, mais est-ce bien ma faute? Je croyais qu'il n'y avait plus de presse d'opinion en Belgique. S'il y en a une, alors, qu'elle s'assume comme telle, et qu'elle annonce pour qui elle roule. Et qu'on arrête avec le mythe de l'objectivité. Une subjectivité qui se dit, c'est plus éthique, plus déontologique (oh, merde, j'ai écrit deux gros mots).

 

Comme Cassandre, je vois arriver la vague. Le fond de l'air est bête, le fond de l'air est brun, la catastrophe s'annonce. De plus en plus de détresse, de moins en moins de solidarité. Tout au plus des indignations sélectives, mon voisin avant mon prochain, mon prochain avant mon lointain. Il y a bien des lueurs d'espoir, petites flammes, petits foyers de prise de conscience. Mais les vrais indignés sont-ils les "vrais gens, qui ont les vrais problèmes"? Ils en font partie, oui, mais ils ne sont pas, hélas, trois fois, mille fois hélas, la majorité.

 

Une enquête récente annonçait que 43% des Belges pensaient qu'une partie du discours d'Hitler était intéressante. Soit il ne l'ont pas lu, et c'est grave. Soit ils l'ont lu, et c'est pire. Ailleurs, on se demande quand une figure de la stature de Marine Lepen se révélera chez nous. Et les partis de la petite droite se réclament de l'école de la Walkyrie jambon-beurre. Franchement, ça ne vous inquiète pas, les gens? On est si peu à flipper? Ou c'est parfois plus confortable de ne pas vouloir voir ce qui se passe sous nos yeux? Allez-y, allez lire ce qui s'écrit, ce qui se pense. On peut s'offusquer que de fâcheux fachos (yeah, j'ai gagné un point Godwin) ne se cachent même plus. On peut préférer ne pas le savoir. Mais puisqu'ils ne se cachent plus, autant aller y voir, histoire de se décrasser les lunettes, de ne pas, non plus, leur laisser le monopole de la parole. Ne pas leur laisser le monopole des idées, de leur propagation. Se frotter aux fameux "vrais gens", savoir ce qu'ils pensent, comment ils pensent, comment ils l'expriment. Voir cette frustration, ce manque de confiance, cette peur de l'avenir, qui se mue en colère, puis en haine. On en est déjà là. Il n'est pas trop tard pour rattraper le coup, mais il est déjà tard. On n'arrête pas une vague avec des sacs de sable. Soyons une digue. Une digue mouvante, mobile, partout à la fois. Ce n'est pas une perte de temps. Aucune tentative de dire les choses autrement, de rappeler que la réalité est complexe, et que les problèmes ne se résolvent pas de façon simple, en définitive, de ne pas prendre les "vrais gens" pour des cons, n'est une tentative perdue.

 

Si on n'a pas le courage de le faire, si on préfère baisser les bras, et se dire que tous ceux-là sont perdus... Alors c'est l'espoir en quelque chose de meilleur, on ne sait pas quoi, mais mieux, plus juste, plus solidaire, avec tous, qui serait foutu.

 

Virginie Godet, qui ne veut pas connaître le sens de "résignation".

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25 octobre 2011 2 25 /10 /octobre /2011 19:57

L'empowerment, mais que voilà  un nom barbare. Cela consiste à se réapproprier son propre pouvoir, à trouver des stratégies pour devenir acteur, actrice de sa propre vie. Trouver, ou retrouver sa plussoyance, dirait l'Alice de Lewis Carrol.link

 

Or, vu les siècles et les siècles de position de retrait imposée aux femmes, vu les siècles et les siècles d'absolue nécessité à se conformer au moule, à la gangue, au corset, au carcan de la respectabilité, sous peine de rejoindre les rangs des gourgandines, on l'a un peu perdue de vue, notre plussoyance, mesdames. Un peu beaucoup. Et c'est pas encore gagné, la reconquête. Pour la simple, mais pas forcément bonne raison, que quand vous sortez d'un moule, v'là t'y pas qu'on veut vous faire entrer dans un autre. Désespérant...

 

Parce que c'est une bien belle chose de retrouver ce fameux pouvoir-en-soi, et de se penser apte, légitime et compétente, en tant que femme, en tant que travailleuse, en tant que citoyenne. De penser, d'oser penser que même son quotidien a force d'expertise. Même sans appui théorique. Que sa parole a de la valeur, parce qu'on dit ce que l'on sait, ce que l'on connaît, que l'on fait part de son vécu, qui n'est pas sans intérêt. Qui peut se nourrir, par la suite, de cette fameuse théorie, à laquelle on n'a pas forcément accès. Mais est-ce parce qu'on n'y a pas accès qu'on doit forcément se taire?

 

Oh, bien entendu, cette réflexion ne m'est pas sortie toute armée du crâne comme Athéna du crâne de Zeus. Et elle ne s'est pas générée spontanément. Oooooh non...  Elle fait échos aux réactions qui ont suivi la Slutwalk. Je le savais que les participantes allaient se faire taper sur les doigts, mais à ce point, c'est navrant. Femmes de tous les jours, femmes de la rue (sans mauvais jeu de mots), qu'allaient-elles faire dans cette galère? De quel droit s'autorisaient-elles à penser, hors des milieux autorisés? Et pour réclamer le droit de pouvoir s'hypersexualiser? En reprenant à leur compte une horrrrrrible injure sexiste? Arrrrgh, béotiennes, retournez donc vous planquer derrière vos caisses enregistreuses, vous ne comprenez rien à rien!

 

Ouais euh... Sauf que ce qui était demandé, ce n'était pas le droit de s'hypersexualiser, mais bien celui d'occuper l'espace public sans se faire insulter, importuner, brutaliser, ou pire encore, et ce quelle que soit la tenue portée. Bref, c'était le refus du jugement qui était mis en exergue. Parce qu'on est respectable du simple fait d'être, en l'occurrence, un être humain, en bure ou en string, tant qu'on respecte la loi commune. Ce qui ne me semble pas, au fond, hallucinant de bêtise. Sans doute la méthode pouvait paraître discutable. Mais aurions nous manifesté dans une tenue considérée comme correcte, sous une dénomination qui ne fait pas de vagues qu'il m'est avis que l'événement aurait été passé sous silence. D'accord, ça fait chier, mais ainsi va la société des média... Qu'on aime ça, ou pas...

 

Je ne veux pas ici faire un scandale. Je ne veux pas jouer les donneuses de leçons (encore que)... Mais la prochaine fois que j'entendrai quelqu'une me parler de l'empowerment, le mettre en avant, je sourirai doucement... Parce que l'empowerment, l'appropriation de ce sentiment de légitimité, il est pour toutes. Absolument toutes. On peut partager une opinion, ou non. On peut discuter, ça fait avancer. Mais pas exiger de l'autre qu'elle se taise parce qu'elle n'en sait pas assez. Ou c'est lui dénier sa légitimité d'être humain.

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12 octobre 2011 3 12 /10 /octobre /2011 10:08

Purée, voilà bien deux semaines que je pense écrire sur le féminisme, sur les lignes de tension qui sont plus complexes et plus nombreuses qu'on ne le pense, et sur la question fondamentalllllllle de l'empowerment (en attendant, si ça vous préoccupe, ATFG). Et à chaque fois, un anniversaire, ou l'actualité me rattrapent. Alors, désolée, cherzamislecteurs, je ne crois pas que je vais vous faire beaucoup rire cette semaine encore.

 

Oh non, je n'ai pas envie de rire, même si c'est pour éviter de pleurer. Parce qu'une gamine s'est suicidée, poussée vers la mort par un meute de jeunes crétins inconscients. Parce qu'elle n'est pas la seule à qui ça arrive, à qui c'est arrivé, à qui ça arrivera. Parce que le harcèlement à l'école fait partie de ces choses qui ne devraient plus se produire, puisque les décrets-missions et autres projets d'établissements nous serinent que c'est important de permettre à chaque enfant de développer ce qu'il a de meilleur en lui. Donc, en théorie, ce qui compte en chacun, chacune, c'est cette petite différence qui le/la rend unique.

 

Sauf qu'en vrai, ça ne marche pas comme ça, et qu'être différent, c'est maaaaaal. Trop petit, trop grand, dyslexique, hyperactif, "surdoué" ou un peu en retard, potentiellement gay (un doute suffit), gros, maigre, roux, binoclard, mal fringué... Voire cumulard... C'est le règne de la courbe de Gauss (vous savez, la cloche, qui dit que le majorité est dans la moyenne). Le quart du petit orteil hors de la norme, et c'est haro sur le baudet! Avec ce qu'on appelle un effet de meute, puisque celui ou celle qui viendrait à défendre le bouc-émissaire serait immédiatement entraîné dans sa disgrâce. Et des gosses, des jeunes, qui auraient peut-être tendance à faire preuve d'empathie se retrouvent à la fermer leur gueule, cloués par la peur de subir ce qu'ils font subir à un autre. Lequel autre l'a sans doute cherché, ce n'est pas sans raison qu'on s'en prend à lui, ou elle. Ou, encore mieux, c'est juste un jeu, la victime exagère, n'a pas d'humour, n'a rien compris. Fastoche pour se dédouaner en cas de dérapage. Et avoir l'air de tomber des nues quand la victime se décide à se plaindre aux profs ou à la direction.

 

Et les directions d'établissements, même si des exceptions confirment la règle, elles n'aiment pas trop apprendre que ça se passe chez elles. Donc, vous avez intérêt, comme victime, comme parent de victime, à avoir un faisceau de preuves en béton, et si possible des témoins. Sinon, vous pouvez vous brosser au poil de sanglier, c'est parole contre parole, seul contre la meute, et le soupçon de paranoïa dans votre chef. Parlons pas des parents des cherzanges qui sont faussement et calomnieusement accusés, forcément à tort, par ces timbrés qui n'avaient qu'à faire des enfants normaux, voilà, voilà...

 

Mais, me direz-vous, pourquoi ça te touche tant? Parce que, voyez l'article précédent, il y a eu Isabelle. Parce que, cette bouc-émissarisation, j'y ai eu droit aussi, toutes les primaires, toutes les secondaires. Parce que ça a recommencé sur mes gosses, et sur ceux de copines. Que nous sommes toutes, tous, à une exception près, encore vivants. Que la meute n'a pas gagné, alors? Eh bien ça, ce n'est pas certain... Parce que même si nous ne nous sommes pas suicidés, il reste en chacun, chacune, des traces. Un sentiment parfois diffus, parfois prégnant, d'être de trop, de ne pas trouver sa place. Et la crainte, en tout lieu, dans tout groupe, que ça recommence. Le décalage et l'étrangeté gravés dans la chair, l'a-normalité ancrée dans l'esprit, et la peur du rejet comme moteur. Avec comme choix se suradapter, ou s'assumer. Rentrer dans le rang, ne pas faire de vague, se faire oublier, pour ne pas voir mal. Ou s'affirmer, et tant pis si on n'est pas consensuel, parce que dedans, il y a...

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5 octobre 2011 3 05 /10 /octobre /2011 09:16

Isabelle, mon amie d'enfance, ma presque soeur, celle qu'on choisit avec le coeur, aurait eu 37 ans aujourd'hui.

Elle ne les aura jamais. Elle est morte il y a un an, des suites de son accouchement. Faute de soins appropriés suite à une césarienne, après avoir mis au monde son quatrième enfant. Sa seule fille, Virginie.

 

La vie d'Isabelle, c'est presque du Dickens, c'est presque du Zola. C'est un concentré de ce que vivent les oubliés de la société. Les assistés permanents, ceux dont les braves gens pensent qu'ils sont juste des feignants. Ceux qui ne font que reproduire ce qu'ils ont toujours connu.

 

Sa mère était camée jusqu'aux yeux. Elle n'a jamais bien su qui était son père. C'est un ami de la famille, peut-être même un peu plus, allez savoir, qui les a recueillies, qui a fini par la reconnaître. Un brave gars, le Jules. Chômeur professionnel, puis sur la mutuelle, mais le coeur sur la main. Il vivait donc avec deux femmes, la sienne et la maman d'Isabelle, et leurs filles. Sans se poser de question. Il était, de fait, le père de chacune, parce que c'est lui qui les élevait.

 

Tout ce petit monde vivait chichement, d'allocations et d'expédients, dans une maison invraisemblable, meublée de bric et de broc, avec un jardin qui ressemblait à s'y méprendre à une décharge. S'habillant des dons de bons apôtres à qui cela permettait bonne conscience et sentiment de supériorité. Au menu, invariablement, du chou et des côtelettes, des pâtes et de la saucisse. A 15 ans, les filles ont toutes attrapé le scorbut, et y ont perdu leurs dents.

 

Revenons en arrière. J'ai connu Isabelle en primaire. Tout de suite, j'ai aimé sa gentillese sans prétention. Elle était simple et bonne, gaie. Un coeur d'or. J'aurais voulu arracher la langue, les yeux, de ces petits crétins, de ces petites crétines, qui la laissaient sur le côté, dans les bons jours, qui la traitaient de tous les noms, le plus souvent. Et vas-y que c'est une "barakresse", et vas-y qu'elle est sale, qu'elle pue, qu'elle a des poux. Ma grand-mère m'a foutu une honte pas possible le jour où elle a demandé à mon institutrice de me changer de place. Les "de la Pharmacie", voyez-vous, c'était alors un peu la jet-set du village, avec les châtelains, le médecin, le curé et le notaire. Elle a refusé. Motif: "ces gamines s'adorent, et s'apportent beaucoup mutuellement, ce serait ridicule, madame". Pan! Désolée, Mémé, mais ça, tu l'as bien cherché.

 

Malgré les efforts d'enseignants à l'ancienne, de ces dinosaures qui avaient le feu sacré, Isabelle n'a jamais vraiment appris à lire ou à écrire. Elle n'était pas analphabète. Illettrée, ça oui. On a dû se séparer à l'entrée du secondaire. Je suivais la voie des petites bourgeoises, études littéraires, université. Elle suivait la voie des déclassés: professionnelles coiffure, péniblement, par la petite porte. Mais hors de l'école, on se voyait toujours, chacune étant un port d'attache, un point d'ancrage pour l'autre. Et c'était dur de la voir, déjà, se diriger vers le néant. Parce que, a posteriori, je me dis que son chemin était déjà, hélas, tout tracé.

 

Si sa tribu était menée par un patriarche aussi extravagant que débonnaire, sa belle-mère tenait de la marâtre. Elle la battait comme plâtre, depuis toute petite. Un jour, nous avions 14 ans, Isa a débarqué chez nous, l'empreinte du fer chaud marquée dans la cuisse. Malgré cela, elle a fini par retourner chez elle. Elle ne savait pas que ça ne se faisait pas de battre un enfant, elle avait toujours vu faire ça. Pour elle, ça faisait partie de l'éducation. Il fallait corriger, c'était normal, ça ne voulait pas dire que sa belle-mère ne l'aimait pas... Mais moi je vous jure que cette femme ne l'aimait pas.

 

A 18 ans, elle est tombée enceinte.Tombée, c'est bien le mot. Un accident. Et dont elle ne s'est aperçue qu'à 6 mois de grossesse, quand elle a cru faire une "pendicite". Jérémy est arrivé, on ne l'attendait pas vraiment. Le père s'est barré, elle a dû assumer seule. La roue tourne, mais fait un tour complet, retour à la case départ. Retour à la malédiction familiale. Mère célibataire,  chômeuse, assistée, mais comment faire autrement, comment s'en sortir, quand on n'a eu que ça comme modèle. Quand on refuse même que votre amie vous donne un coup de main, parce que : "Je ne veux pas que tu fasses ça par pitié, par mauvaise conscience, ou parce que tu te sens coupable". Ce n'était rien de ça, mais ça nous a éloignées.

 

Éloignées longtemps, et retrouvées par la grâce des réseaux sociaux, chacune un mari et trois enfants plus tard. Plein d'affection qui coule dans des messages que je lis tout haut, en soignant les miens pour qu'ils ne soient pas bourrés de références, de sous-entendus et de mots compliqués. Chacune nage dans sa sphère, séparée par l'espace et la société. Le web construit une fine passerelle d'amitié suspendue mais jamais morte. Bonnes et mauvaises nouvelles se succèdent: elle est de nouveau enceinte, mais ses enfants lui sont retirés. Elle ne veut pas dire pourquoi. La voisine l'a dénoncée. Drôle de monde. Elle a peur que l'enfant à naître soit aussi placé. Grossesse sous le signe de l'angoisse. Quand je lui demande si elle a envie que je lui rende visite, son homme refuse. Pas de bourgeoise chez lui. Pas besoin de cette fille qui viendra les juger. On a tous des préjugés.

 

Virginie vient au monde, et c'est le bonheur. Accouchement difficile, césarienne, mais Isabelle est solide, très solide. Elle n'a pas le choix, elle doit l'être. Photos et messages envoyés à la ronde ( ah oui, il y a le wifi dans les maternités, y compris dans les chambres communes), je découvre la bouille fripée de ma filleule de coeur. Toute ronde, toute rouge. Un bébé-boule. Mère et fille rentrent chez elles au bout de 4 jours. 4 jours, après une césarienne. Une semaine plus tard, la jeune soeur d'Isa m'envoie un message. Elle est morte. Elle n'avait pas fait ses piqûres d'anticoagulants. Caillot dans le coeur. Deux heures de réanimation. Anoxie cérébrale. Deux jours sous respiration artificielle, acharnement. Son cerveau est mort, à quoi bon?

 

Je ne me résous pas. Je ne me résigne pas. J'ai mal à ça, et je ne peux rien faire, si ce n'est faire vivre son souvenir. Dire qu'on meurt, encore aujourd'hui, dans ces pays qu'on dit civilisés, parce qu'on a été mal suivie, ou mal renseignée. C'est trop facile de dire qu'elle n'a pas fait ses piqûres. Je ne sais qui ne lui a pas expliqué que c'était important et que sa vie en dépendait. Je voudrais savoir, je voudrais comprendre, je ne peux pas. La famille, elle, a baissé les bras. Parce que c'est comme ça, chez eux, encore maintenant. C'est la fatalité. Les médecins savent, ils ont fait des études, et nous, on n'est personne. Alors on meurt sans moufter.

 

Je ne te laisserai pas être morte sans moufter.

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20 septembre 2011 2 20 /09 /septembre /2011 11:05

Plus question d'être gentille, plus question de laisser le bénéfice du doute, plus question de chercher des raisons et des excuses. Braves gens, vous me faites gerber. Je conchie les obsédés de la pureté de la souche. Une souche, c'est du bois mort!

 

Des être humains sont à la rue, et d'où qu'ils viennent, c'est grave. Des conditions qu'on ne peut pas accepter dans un pays qui se dit civilisé. Et parce qu'ils ne vivent pas comme vous, parlent une autre langue, viennent d'ailleurs, vous les laisseriez crever comme vous ne laisseriez pas crever un chien? Et vous vous dites civilisés? Et vous croyez être des humains? Vous pensez que je vous crois un instant quand vous dites qu'il faut d'abord penser aux SDF bien de chez nous? Ils ont bon dos, les sans-abris! Vous ne leur jetez même pas un regard, et quand malgré tout ça vous arrive, c'est à la limite pour ensuite leur cracher votre mépris au visage.

 

Alors, chacun son tour, là, maintenant, ce qui me vient à l'esprit, c'est aussi du mépris, c'est de l'incompréhension, du désarroi, de la rage, de la colère. Je n'en peux plus de vous entendre, je n'en peux plus de vous lire, et si malgré tout je le fais, c'est pour me rappeler à chaque instant à quel point la merde pue, à quel point la bête n'est pas morte, à quel point les mêmes conditions créent des réactions similaires. Et je n'ai pas envie de laisser faire.  J'ai besoin, viscéralement besoin de ne pas vous laisser faire. Alors, cette fois, je lâche l'intellect, et je fais comme vous, brave gens, je parle avec mes tripes, et si vous n'êtes pas contents, c'est le même tarif.

 

Et ce qui me fout la gerbe par dessus tout, c'est que certains journaux vous servent votre soupe de haine quotidienne. On appelle ça de l'information? C'est censé tendre à l'objectivité? Il n'y a parait-il plus de presse d'opinion, en Belgique? Vraiment? Et la DH, elle roule pour qui? Je n'ai pas de réponse, et mes supputations me font peur. Qu'on ne vienne pas soutenir que leur ligne éditoriale, si elle existe, n'est pas empreinte d'une certaine idéologie. Chômeurs fainéants, profiteurs, parasites, syndicats pourris, bus toujours en grève, profs trop payés et toujours en vacances, zones de non-droits, insécurité, "on n'est plus chez nous". La même tambouille servie jour après jour, et commentée par des cyber-lecteurs gavés de haine jusqu'à l'os pour tout qui ne pense pas comme eux, surtout les bobos-écolos-gauchos-bouffeurs-de-graines, ou les socialos-engraisseurs-de-parasites. Tout qui s'exprime dans un autre sens est taxé de bien-pensance, qualifié de "police de la pensée". Pensée unique? Dominante? Allons bon, braves gens, vous vous sentez dans votre bon droit. Merci la télé française et sa complaisance avec Marine-La-Walkyrie, l'extrême-droite est devenue respectable, on n'a plus honte de s'afficher, les gauchos sont juste des idiots. Alors même que la droite populiste, et sa cousine radicale, sont chez nous parmi les plus bêtes du monde, et se réunissent à l'aise dans des cabines téléphoniques, je ne les vois que trop bien exploser aux prochains scrutins. Et ça me met dans une rogne, vous n'avez pas idée!

 

Alors que les choses soient dites, il est hors de question que je ferme ma gueule, il est hors de question que je laisse cette horreur se faire sans réagir, je continuerai à me plonger dans cette fange, à mettre le doigt où ça fait mal, parce que je refuse que ça recommence, même si ce n'est pas exactement pareil, même si ce n'est qu'un avatar des idéologies les plus révulsantes. Que ce soit dans mes gènes, ou que ce soit un atavisme, je ne laisserai pas passer ça, ça me fout trop la gerbe.

 

Virginie Godet, persiste, et signe.

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