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28 mars 2012 3 28 /03 /mars /2012 09:24

Au fond, c'est quoi, être de gauche? 

Voilà une question que je me pose. D'autant plus qu'au sein du "peuple de gauche", on a l'anathème facile, et chaque tendance soupçonne les autres de perversion idéologique. J'ai bien connu ça pendant ma période trotskiste: deux trot's, ça fait une tendance, trois trot's, on sent venir la scission. Parfois, on aurait envie de faire scission avec soi-même. Parce qu'un être humain, ça ne pense pas de façon binaire, et qu'on n'est pas à un paradoxe ou une contradiction près. Mais ça, les purs, les incorruptibles n'ont pas l'air de le comprendre.

 

Donc, s'il faut en croire les ceusses qui ont tout compris et affichent sereinement leurs certitudes, il parait que je fais partie de la gauche morale, qui est une gauche bourgeoise. Je ne vois pas pourquoi avoir avant tout une position éthique est un mal, en quoi se remettre en question est une horreur, en quoi le doute rendrait tiède.  Et la masturbation intellectuelle dans le fond, n'a jamais fait de mal à personne. Qui plus est, je ne trouve pas les différentes façon de se vivre "de gauche" antithétiques, mais complémentaires. La synthèse est difficile, certes.

 

Il y a les idéologues, les pragmatiques, ceux qui visent un absolu, ceux qui tentent d'arranger les bidons hic et nunc, sur base de ce qui existe. Dans tous les cas, cela part de la même volonté de réparer des injustices. Toutes les gauches seraient donc morales, en fait? En tout cas, toutes les gauches ont une base éthique commune. Les aspirations sont les mêmes, et c'est la méthode qui diffère.

 

Venant du trotskisme, de la gauche révolutionnaire, de l'espoir fou des lendemains qui chantent, comment en suis-je venue à cette fameuse gauche morale? Ai-je d'ailleurs laissé tomber cette espérance folle en un avenir meilleur pour tous et chacun? Rien n'est moins sur. J'ai juste choisi de mettre les mains dans le caca, plutôt que de compter sur une révolution que j'ai attendue, attendue, qui n'est jamais venue (zaïzaïzaïzaï). Je suis une impatiente, je veux voir des résultats tangibles vite, même tout petits. A mon âge, on ne me changera plus.

 

Le point central de ma réflexion, c'est avant tout l'équilibre à trouver entre le groupe et l'individu. Permettre, par des moyens collectifs, l'émancipation et la réalisation de chacune, de chacun, en tant que personne. Avoir un toit, manger à sa faim, être en bonne santé, pouvoir s'instruire. Les bases essentielles. Comment assurer ces bases? Comment faire en sorte que ce ne soit plus un combat? Que toutes, tous puissent vivre, et pas uniquement survivre? Comment, aussi, faire en sorte que l'action collective n'induise pas le contrôle social? Éviter à tout pris le danger du lit de Procuste? Être dans le groupe sans perdre son identité, être responsable sans être coupable? La responsabilité ne doit pas, selon moi, venir d'un quelconque sentiment de culpabilité. Le groupe rend possibles des droits, et il est de mon devoir d'assurer un retour. A chacun selon ses besoins, de chacun selon ses moyens...

 

Et la dimension écologique, dans tout ça? Suis-je écologiste de gauche, ou de gauche écologiste? Pffffff. Le pensum de la mort qui tue. Nous vivons sur une planète finie (dans le sens: qui a des limites spatiales, hein, pas qui est sur le point de s'éteindre). Toute décision doit alors prendre ce fait en compte. Je parlais dans un billet précédent de l'éthique de l'immanence. Ben on y est. On est tous sur le même bateau. L'humain fait partie de l'eco-système terre. A nous de nous comporter de telles sorte que, non seulement ça ne nuise pas, mais encore que cela profite, à soi, aux autres, au bateau. Sans mauvaise conscience. Sans vouloir se donner bonne conscience non plus. Juste parce que c'est sain, parce que ce devrait être normal. Cette éthique peut s'appliquer tant aux décisions collectives qu'aux choix des personnes. Sans obligation, sans pressions, juste une question de bon sens.

 

Alors, bon, je sais que je ne satisferai pas au moins deux catégories de personnes: celles qui trouvent que l'individu est un concept libéral, et celles qui pensent que le collectif, c'est un truc de cocos. Soit, si ça les arrange de penser comme ça, grand bien leur fasse. Et si ces gens trouvent que mon questionnement n'est pas un raisonnement, grand bien leur fasse aussi. Le fait est là, je me pose des questions, j'essaie d'apprendre, je n'aime pas penser en "tout blanc ou tout noir" et je n'ai pas de maître à penser. Des références, oui. Mais je ne prends jamais tout en bloc. Ceci dit, il faut bien reconnaître que, s'il fallait vraiment m'étiqueter, je ressemblerais à une sorte de rejeton vert des socialistes utopistes, mâtiné de Condorcet, qui considérait que c'est le savoir qui libère, et de John Stuart Mill (oh, horreur, un libéral!!!!), qui ne concevait pas la liberté sans responsabilité.

 

Je sais que j'apporte ici bien des questions, et aucune réponse. Ce n'est pas à moi toute seule de répondre. Réfléchir ensemble, et chercher directement auprès de gens (les fameux vrais gens dont, parait-il, je ne fais pas partie) quels sont leurs besoins, quelles sont leurs demandes, c'est aussi ça, être de de gauche. Construire ensemble, choisir ensemble si on démarre de ce qui existe, ou si on fout tout par terre pour tout recommencer. Et c'est loin d'être facile. Moi-même, ces derniers temps, je balance de l'un à l'autre. Mais ce n'est pas à moi, toute seule, de prendre la décision.

 

Virginie Godet (de gauche, donc, mais laquelle pour finir?)

 

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commentaires

G
Merci pour cette pensée en mouvement. ;-)<br /> Quand je me demande ce que veut dire "être à gauche", je me rappelle le mot de Gilles Deleuze : "la gauche a besoin que les gens pensent". Quelles sont les conditions pour que les gens pensent ?<br /> Est-ce qu'il y a vraiment de la pensée ici ? Etc.<br /> Grégoire
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