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25 août 2016 4 25 /08 /août /2016 13:50

Oh merde! Sonia Rykiel, maintenant...


Encore un modèle qui s'en va. Si peu de temps après Benoîte Groult, et après avoir eu chaud aux miches pour Simone Veil (qui a l'air d'aller mieux).


Hasard? Perturbante coïncidence? Ces morts arrivent à une période où je fais un peu le bilan, où je me demande où j'en suis. Qu'est-ce que j'ai fait de ces "dons", de ces aptitudes, de ces potentialités que j'avais étant jeune? Elle en est où la gamine qui oubliait de dormir parce qu'elle lisait, qu'elle écrivait? La petite fille qui jouait pendant des heures avec un vieux mannequin de couturière et des chutes de tissu? L'ado qui récitait par cœur le monologue de Phèdre (Ce n'est plus une ardeur en mon âme cachée, c'est Vénus toute entière à sa proie attachée)?

Qu'est-ce que je dirais à cette jeune fille, si je la croisais? Tu es morte étouffée par les convenances et les attentes des autres - du moins les attentes que je croyais qu’ils avaient? Je t'ai abandonnée pour mettre sur moi le masque de la respectabilité? Je t'ai oubliée parce que tu exigeais trop? Ou alors "Je t'ai laissé dormir le temps de panser les plaies... tu peux te réveiller maintenant, il n'est pas trop tard"?

J'ai furieusement envie, viscéralement besoin, d'opter pour la dernière formule. Et en cela, que ferais-je d'autre que ces modèles qui me sont chers? Parce que toutes, au bout du compte, sont révélées "sur le tard".

Groult a écrit son premier roman à 40 ans. Rykiel a fondé sa maison à 38 ans. Ces petites chrysalides de la bourgeoisie ont pris le temps, et lorsque les papillons ont éclos, ils détonnaient dans leur milieu d'origine. Ils étaient flamboyants, chacun à leur manière. Mais avec pour point commun l'élégance, la liberté, l'amour des mots, un refus des carcans...

Oh bien entendu, elles ne sont jamais vraiment, vraiment sorties de leurs milieux. Mais elles y détonnaient vraiment.

Un jour, un ami du Zhomme m'a fait remarquer que mes modèles étaient toutes des bourgeoises blanches. Je vais y ajouter une couche: elles sont toutes furieusement germanopratines. Bourgeoises et bohèmes. Sauf peut-être Simone Veil, pas bohème du tout, j'admets. Elle, c'est un cas à part. Mais oui, toutes bourgeoises et blanches, soit.

Je dirais qu'il y a une différence entre les personnes qu'on admire et celles que l'on prend pour modèle. Un modèle est quelqu'un à qui on s'identifie. Il y a des des personnes que j'admire profondément, mais je ne peux pas m'y identifier. Je ne peux pas me raccrocher à leur expérience de vie, c'est un fait. Pas de similarités. Mais elles n'en restent pas moins des êtres inspirants.

Donc, oui, les modèles, quelque part, on y retrouve toujours quelque chose de soi, auquel se raccrocher. Et les miens (les miennes, devrais-je dire) ont en commun une certaine éducation - réussie ou pas, la question n'est pas là... Et puis qu'est-ce q'une éducation réussie? Ex-ducere voulant dire "conduire hors", elle est peut-être réussie quand on parvient à sortir des carcans imposés, ou à en jouer. Une éducation tributaire d'un certain milieu. On n'échappe jamais vraiment à son enfance, et même lorsqu'on se construit en opposition, c'est toujours par rapport à cette éducation.

Bourgeoise blanche, donc. Petit bourgeoise de province, même. Et alors? Tant pis, tant mieux. L'éducation est là. Elle m'a mis des freins, elle m'a donné des clefs. Sans elle, je n'aurais pas tant aimé lire, écrire. Sans elle, sans ma grand-mère toujours si élégante, je n'aurais pas eu, sans doute, le goût des belles matières et des coupes architecturées. Sans cette foutue éducation, je n'aurais pas rêvé à 13, 14 ans, d'un jour jouer Phèdre dans la cour du Palais des Papes, ou de recevoir le Prix Goncourt.

Alors, à présent, cette gamine qui voulait bouffer le monde, j'ai envie de la réveiller. Certes, elle devra revoir ses ambitions à la baisse, les accidents de la vie, les fissures, les plaies, ayant fait leur chemin. Elles ont laissé ici et là des peurs. Ces peurs, elles vont gentiment aller se faire lanlère, on fera le nécessaire. Et si elle peut désormais sortir du cocon où je la tenais endormie, c'est sans doute, c'est surement, parce que ces femmes extraordinaires m'ont appris qu'il n'était jamais trop tard, que la force est en nous, qu'il faut chercher sa source. Aimer, créer, ne jamais se contenter de... On verra de quelle couleur sera le papillon.

Virginie Godet (De victimes elle-même à chaque heure entourée, cherchait dans leurs flancs sa raison égarée, poufpoufpouf)

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